Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog du sculpteur Jacky Kooken

« Kooken, le poète du volume. » Par Monique AYOUN

20 Juin 2010 , Rédigé par Jacky Kooken Publié dans #PRESENTATION

Avant ma rencontre avec Henri Michaux, le monde de l’art m’était totalement hermétique. Je ne vivais qu’à travers la littérature… J’avais appelé Henri Michaux dans l’espoir de lui donner à lire la thèse que j’avais écrite sur lui. J’ignorais qu’il était devenu presque aveugle. Quand je l’ai eu au bout du fil, loin de s’en plaindre, il s’en est excusé ! Cet homme, ce grand poète que j’adore, était d’une modestie, d’une délicatesse extrêmes. Lorsque j’ai proposé de venir le voir, il m’a prévenue : « Je suis un vieux monsieur, vous savez, vous risquez d’être déçue ! »  Ah s’il savait ! En sortant de chez lui, je brûlais du désir de découvrir tout ce dont il m’avait parlé. Non seulement les pays lointains : l’Ecuador, l’Afrique, l’Inde… mais aussi la peinture, la sculpture, l’art brut… J’avais 20 ans, j’étais étudiante en lettres. Je me suis mise à fréquenter les galeries d’art et leurs festifs vernissages. Pour mon anniversaire, je me fis offrir mon premier dessin original. Par la suite, avec mes premiers articles j’acquérais ma première toile… La sculpture était le parent pauvre de ma collection, la seule reproduction que je m’étais autorisée était le moulage en grandeur nature de la Vénus de Lespugue : petite sculpture du paléolithique, petite par la taille, mais belle et moderne par l’esprit. Encore plus émouvante qu’un Henry Moore ! Hélas les moulages, même grandeur nature, ne livrent qu’une partie de la beauté de l’original. Sauf le plaisir esthétique, on ne ressent aucune émotion, aucune vibration. Henri Michaux lui-même m’avait parlé de sa frustration de ne pas pouvoir caresser un marbre au musée. C’est un sentiment que je partageais entièrement. Le toucher est le premier des sens, LE moyen de connaissance par excellence ! Les enfants touchent avant d’apprendre à parler… Le nombre de fois où, petite, je me suis faite réprimander parce que j’effleurais le pied de l’esclave endormi de Michel Ange, sculpture pourtant si magnétique. C’est peut-être cela qui m’a éloignée des musées.

 combange1.gif

Le jour où j’ai vu pour la première fois, les sculptures de Jacky Kooken à la galerie Robain, je n’en revenais pas : j’étais invitée par l’artiste lui-même à caresser ses sculptures ! C’était un grand  plaisir, une vraie fête !  Ressentir le poli, la qualité du matériau, les vibrations qui  affleurent sous les doigts…. Des anges, des chevaliers, des maternités… Ce n’était que spiritualité et sérénité. On pourrait qualifier ces œuvres  de « néo romanes » à ceci près qu’elles sont  traitées avec des raccourcis stylistiques très contemporains dont la portée vise et touche l’intemporel.

Par la suite, j’ai découvert le deuxième pan créatif de la sculpture de Jacky Kooken : des œuvres volontairement très épurées dans la lignée post Brancusienne. Recherches de simplifications de formes anatomiques où les visages sont à peine esquissés.

Je l’ai interrogé sur un bronze qui m’a coupé le souffle tant il est beau et puissant : « L’Envol d’Icare ». Jacky Kooken m’a  avoué qu’il n’en était pas mécontent car, pour la première fois, il était parvenu à faire la synthèse des deux factures qu’il créait jusqu'à présent parallèlement.

 icare patine

Il est des œuvres puissantes que je trouve très émouvantes. Je les admire au musée, mais je serais bien embarrassée si elles étaient exposées dans mon salon ! Ainsi serais-je incapable de vivre avec un Francis Bacon. On sent dans ses œuvres torturées la transcendance de la souffrance et ce serait un supplice de la supporter au quotidien… Avec les sculptures de Kooken, rien de tel : on sent qu’elles ont été créées dans la joie et l’euphorie. Elles dégagent un bien être, une sérénité qui rayonnent autour d’elles. La puissance qu’il insuffle à ses sculptures n’est pas seulement due, comme il aime à l’affirmer, au seul fait de la taille directe, mais surtout à la générosité créative de l’artiste pour qui le temps et les modes ne comptent pas. Si l’on devait définir la spécificité du travail de Kooken, il pourrait se résumer en un mot :  RÉCONCILIATION. Il est en effet capable de réunir la puissance la plus sensuelle à la spiritualité la plus éthérée. Pour lui la matière elle-même est habitée. Il n’y a pas de séparation entre l’âme et le corps qui sont intimement soudés. Et c’est de cette union que naît le sentiment  de sacré…

  

Dans son élan mystique, il refuse toute mécanisation de la taille. « Que voulez-vous qu’un compresseur transmette comme vibration à la matière, à part cette sensation trop parfaite d’usinage ? » La petite vidéo où le voit sculpter avec le même tempo qu’un cœur qui bat est impressionnante. Ce rythme primaire de la double percussion est essentiel pour lui. Il l’était également pour Henri Michaux : « Grâce au rythme, le mouvement enlève le plus grave de la matière ; son poids, sa résistance» érivait-il…

Kooken est un poète de la pierre, ses sculptures embellissent les lieux où elles résonnent.

 

Monique Ayoun    

Journaliste et Ecrivain (Nouvel Obs, Psychologie, Biba, Gracia..) Elle a écrit plusieurs romans Le radeau du désir, Viens, Histoire de mes seins illustré par Wolinski.

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article